Hans Holbein le Jeune - Les ambassadeurs - 1533 |
Le principe de l'anamorphose est un jeu ancien de la représentation du réel par une image faussée : il s'ensuit que l'on ne peut regarder ce réel qu'en adoptant une perspective singulière qui permet de retrouver les proportions originales du sujet que l'on regarde. Dans ce très célèbre tableau d'Holbein, visible à la National Gallery de Londres, l'anamorphose s'applique en particulier à la vanité qui est le sujet complémentaire du tableau : il faut d'abord considérer le commanditaire, Jean de Dinteville, bailly de Troyes, ambassadeur de France à Londres qui est représenté à gauche. Le personnage situé à droite est Georges de Selve, également diplomate. Les deux hommes ont en commun le goût des humanités, représentées ici par les instruments du savoir : mappemondes, astrolabes, livres et la présence du luth rappelle que la musique joue également un rôle très important. Et cependant, le crâne représenté anamorphosé vient rappeler que la haute position sociale des deux hommes, leur immense savoir que cette période de la Renaissance ouvre à nouveau à l'humanité ne débouchera que sur la seule issue commune à tous les hommes. C'est ainsi un rappel à l'humilité autant que l'apologie de la connaissance, intriquant indéfectiblement les deux systèmes de vertus : il ne sert à rien d'avoir la connaissance comme moyen de promotion sociale si l'on ne sait, en même temps que tout cela ne peut être qu'éphémère, et qu'à ce titre, cette connaissance doit être utilisée à bon escient.
Ainsi, si l'on veut regarder le crâne de manière à retrouver ses justes proportions, il faut se situer à gauche ou à droite du tableau ; autre façon de signifier que l'on ne peut vraiment regarder la mort de face...
Le crâne est aussi une belle signature du peintre puisque Holbein signifie "os creux".
RépondreSupprimerPalomar
Toutefois, comme tout jeu de mot, il faut parfois tordre un peu le sens. Si Bein est un «os» ou la «jambe», hol évoquerait plutôt le sens de «chercher» plutôt que le «creux» que donnerait le sens de Höhle. On aurait alors «l'os à chercher», c'est-à-dire «celui qui va à l'essentiel».
RépondreSupprimerMais on se rappelle aussi Dosso Dossi, qui est son contemporain, jouant lui aussi sur ce thème très en ferveur.
Pour bien voir le crâne, il faut être dans son sens oblique, à savoir en bas à gauche. Le tableau (qui est grand) devait initialement être accroché assez en hauteur. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et je me souviens m'être couché par terre pour bien le voir... au grand dam d'un gardien !
RépondreSupprimerIt was shocking I suppose. J'avais pris une photo d'un angle droit (sénestre par rapport au tableau). Ça marche très bien aussi.
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