mercredi 8 avril 2020

Renato Guttuso peint des poivrons

Renato Guttuso (1912-1987) fut un peintre important pour le courant pictural réaliste italien. S'il ne fut guère présenté dans les galeries et les musées français (en cherchant bien, on ne trouve qu'une exposition au Musée d'art moderne de Paris, en 1971 !), il est, en revanche, très présent dans les musées et pinacothèques de toute l'Italie. Son travail reste aujourd'hui d'une grande force dans sa manière d'aborder un objet, fut-il d'une extrême simplicité. Ici on doit à la RAI ce court documentaire où l'on voit l'image prendre vie peu à peu.

C'est toujours passionnant de regarder peindre un artiste : quel geste va-t-il initier pour commencer son travail ? Quelle part le dessin prend-il dans son approche où la couleur va cependant trouver la plus grande place ? Que va-t-il résulter de ce moment de concentration où l’œil, le cerveau, puis la main essaient de dire quelque chose du réel ? Que va dire cette nature que l'on dit morte d'une possible vérité ? Et si, justement, une vérité singulière émerge à partir d'un objet qui n'a pas beaucoup d'implication dans la vie une fois récolté, que pourra faire cet artiste d'une autre vérité qui est celle d'un événement dans lequel la vie et la mort sont des enjeux de chaque instant ? 

Je renvoie à la biographie de Renato Guttuso qu'on trouvera facilement sur la Toile pour laisser la réflexion se déplacer sur ces thèmes. Et puisque j'en suis à poser ces questions sur le travail de l'artiste, que dirait-il aujourd'hui de cette mort invisible qui se répand sans que nulle part une quelconque frontière ne vienne arrêter son travail à elle ? Le moyen âge a produit, après la peste noire qui a ravagé l'Europe dans les années 1348 et suivantes, d'admirables danses macabres qui sont d'une actualité folle ! Je ne résisterai pas à mettre à la suite une petite vidéo sur les fresques de l'Abbaye de La Chaise-Dieu représentant précisément une danse macabre.

Mais pour revenir à Renato Guttuso, je voudrais insister sur sa démarche qu'il énonce lui-même : peindre ne relève d'aucun mystère, il s'agit simplement de laisser le pinceau traduire un geste simplissime, celui de reproduire l'objet qui fait face à soi. 

Appliquant la même démarche à toute situation dans laquelle apparaissent la domination, la guerre ou l'humilité d'une scène de la vie quotidienne, toutes choses qui ont été le prétexte de son travail, on voit surgir la précision de sa pensée ; et, selon sa manière de peindre, son expression reste de permettre à chacun de retrouver un affect ou une émotion par la simplicité-même de cette démarche.




Et un peu de danse macabre, pour se dire que rien de ce qui s'est autrefois déroulé ne peut être négligé aujourd'hui !