mardi 28 janvier 2020

Le char et l'olivier

Les commémorations du génocide juif (ce terme est préférable à celui de Shoah, qui vise à singulariser le délire nazi contre les juifs ; si l'ampleur de ce crime contre l'Humanité donne le vertige, il ne doit pas occulter les autres génocides qui furent commis par les mêmes délirants) permettent de rappeler ce que fut l'horreur des camps. La notion de "solution finale" est ambiguë : le nazisme n'a pas eu la possibilité de s'attaquer à d'autres populations que celles vivant sur le sol européen, mais la vision d'une "hiérarchie des races" fondée, entre autres, sur les couleurs de peau, entraînait une logique épouvantable. Mais l'ethnicisation des populations à la période contemporaine reste ancrée dans l'inconscient des sociétés. Je ne parlerai pas de la place que conservent les suprématistes aux Etats unis d'Amérique, mais l'émergence des "populismes" a relâché depuis longtemps les refus de l'altérité, même après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le statut des "indigènes" dans les colonies françaises restant après 1945 reste confondant. Vestiges du XIXe siècle ? Peut-être. Mais plus sûrement le maintien, souvent inconscient, que certains pays européens se rangent dans un principe de domination qui leur est intrinsèque. La France, pays paranoïaque depuis la Révolution française, par un transfert de cette caractéristique depuis la monarchie, s'était fourvoyée dans une conquête de l'Europe. Le contrecoup s'exprima dans les résolutions du Congrès de Vienne. L'ethnicisation était en marche. Les conflits de Yougoslavie ont illustré à quel point l'inconscient européen avait accepté la balkanisation de cette partie de l'Europe géographique et la banalisation des génocides perpétrés dans la parfaite impuissance de l'Europe politique. Il paraît que les jeunes gens d'aujourd'hui n'ont pas entendu parler de la "Shoah". Gageons qu'ils n'ont pas non plus beaucoup entendu parler de cette période lamentable de l'Europe contemporaine.

Le film Le char et l'olivier, documentaire long de Roland Nurier, raconte de façon à la fois émouvante et sans concession la manière dont on a ethnicisé le territoire qu'on appelait autrefois "Palestine". Si, au départ, la création d'un Foyer juif permettait aux juifs de retrouver une place que les sociétés européennes avaient du mal à leur accorder, la solution de la création d'un Etat-nation se fit dans les pires conditions, et pour les juifs européens qui s'installaient, et pour les populations arabes qui y vivaient depuis de nombreux siècles. Aujourd'hui, la situation apparaît pire que jamais, par la colonisation progressive de la Cisjordanie qui ne connaît aucun obstacle, et par la situation de Gaza dont les habitants sont enfermés, empoisonnés par une eau polluée,  tirés comme des lapins avec des balles explosives ou à uranium appauvri, et sans recours que leur seule détermination à vivre.

Tristes paradoxes que ces argumentations qui s'appuient sur la répression d'un peuple en Europe dont la religion a été racialisée, et qui reproduisent, une fois ce peuple installé sur une terre réinventée "promise", un système d'apartheid - non, le mot n'est pas trop fort, même s'il fait référence à l'histoire de l'Afrique du Sud - qui s'applique dans la société israélienne elle-même et dans les territoires qu'elle contrôle.

Le film apparaît bien diffusé dans les salles. Le sera-t-il plus tard sur une chaîne de télévision ? Souhaitons- le. Voici, pour le moment, la bande annonce du film, ainsi qu'une vidéo courte sur les "Origines du conflit israélo-palestinien en cartes".


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