Michel-Ange - Michelangelo Buonarroti décède
le 18 février 1564. A
sa mort reste dans son atelier, inachevée, une pietà de marbre,
représentant de manière originale le Christ et Marie, debout, unis presque l'un
contre l'autre, semblant à peine dégagés du marbre. C'est le serviteur de
Michelangelo qui hérite cette œuvre, mais on en perd rapidement la trace. Elle
est mentionnée en 1807 dans la collection du Marquis Rondanini, au Palazzo
Rondanini, à Rome. Achetée par la Ville de Milan en 1952, elle se trouve depuis
au Castello Sforzesco dont elle est l'un des joyaux.
Son histoire est mystérieuse au sens où
Michel-Ange a travaillé deux versions de cette pietà, et son élaboration aura
duré une quinzaine d'années : commencée en 1550, elle n'est pas achevée
lorsque l'artiste meurt. La durée du travail interroge : pourquoi tant de temps
pour un artiste rompu à la sculpture ? S'agit-il d'une crise mystique qui
l'incite à rompre avec les conventions, présentant le Christ et sa mère debout et
non dans la position conventionnelle comme la Pietà
vaticana de Rome ?
Évidemment, peu de réponses possibles. L'œuvre inachevée ne laisse que la
réflexion sur les possibles qui demeurent. Et cependant, le sentiment
se dégage qu'en l'état, elle apparaît comme si la seule intention de
Michelangelo restait encore visible dans l'émergence des formes de ce marbre,
avec les parties en cours d'achèvement, celles qui sont restées dans la forme
brute du marbre. On se rappelle ce conte de l'enfant et du sculpteur qui taille
un cheval dans une masse de pierre. La statue n'est pas encore achevée mais
déjà on voit l'animal qui se dégage de la pierre. L'enfant demande alors au
sculpteur comment il avait compris qu'il y avait un cheval dans la pierre qu'il
lui fallait laisser sortir de sa gangue.
C'est un peu la même chose ici : jusqu'au bras
droit du Christ qui est brisé. Pour la Pietà
Bandini que Michelangelo
prévoyait pour son tombeau, c'est la jambe gauche du Christ qui a été brisée et
qui a disparu. Le disciple et ami de Michelangelo, Teberio Calcagni, empêcha
son maître de détruire la statue et la termina, déguisant l'absence de jambe
gauche par un drapé de la robe de Marie.
Pietà Rondanini - Milano |
Évidemment, Michelangelo n'avait pas souhaité
que cette pietà nous parvienne sous cette forme. Le hasard a ses exigences :
aujourd'hui, où la réflexion de l'art porte également sur la nature de la matière,
sur les relations étroites qu'entretient l'artiste avec elle, comme une sorte
parfois de complicité, avec les traîtrises qu'elle peut exercer par un coup mal
porté, il m'apparaît que cette œuvre, dans sa traversée des siècles atteint
chaque regard par son expression d'une forme pure; elle explose d'un matériau
des plus nobles, le marbre blanc, pour rappeler que si on peut en tracer
l'histoire, Michelangelo a réussi à en abolir le temps. La Pietà Rondanini n'en finit
pas de raconter comment cette mort n'a pas été en mesure de terrasser la vie
qui se redresse, peut-être maladroitement, mais émerge dans cette relation de
deux êtres indéfiniment liés, au-delà de la vie et de la mort. Peut-être une
expression de l'amour universel.
La Pietà Bandini - 1547-1555, Museo dell'Opera del Duomo - Firenze |
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